La genèse des MAS Le théâtre d'opération militaire italien durant la première guerre mondiale est principalement alpestre, les côtes de la rive italienne de la mer Adriatique ne disposent pas de ports en eaux profondes et la chaîne du canal d'Otrante empêche le déploiement en Méditerranée de la Kayserlische und Königsliche Kriegsmarine. Ses principaux cuirassés : le Wien, le Budapest, le Szent-Istvan ou le Viribus-Unistis ont pour mission de protéger et appuyer la progression des troupes le long des côtes adriatiques. Ils sont basés dans des ports difficiles d'accès comme Pola (Pula), Trieste ou Dürres en Albanie.
Afin d'empêcher la marine austro-hongroise de menacer les côtes italiennes, l'amiral Thaon di Ravel, chef de la Regia Marina, la marine royale italienne, décide de frapper la flotte KüK dans ses propres ports où elle se croit à l'abri.
Les chantiers navals de Venise SVAN (Societa Veneziana Automobili Navali) fournissent les premières vedettes armées de torpilles ou Motoscafi Armati Silurante dont l'acronyme est MAS.
La technique d'assaut est soigneusement mise au point : un torpilleur remorque une MAS le plus près possible du port en pleine nuit -en priorité l'hiver, lors de la nouvelle Lune-, la vedette s’approche silencieusement franchissant les obstacles entravant l'accès au port, lance ses deux torpilles et rejoint le torpilleur qui l'attend au large.
La MAS 96 exposée dans la demeure splendide de Gabriele d'Annunzio, à Gardone sur le lac de Garde, cliché que j'ai pris en visitant le Vittoriale, pas loin de SaloDeux officiers de marine vont se rendre célèbres pour ces raids audacieux : le capitaine de corvette Luigi Rizzo qui a à son actif la destruction du cuirassé Wien dans le port de Trieste (MAS 9), le 10 décembre 1917 et du cuirassé Szent-Istvan (MAS 21) le 10 juin 1918. L'autre est Costanzo Ciano, le père de Galeazzo, futur gendre de Mussolini, qui participe avec le poète-condottiere d'Annunzio à la beffa di Buccari (la farce de Buccari). Se défiant de la surveillance du port de Buccari (Bakar sur la côte croate), les trois MAS de Luigi Rizzo (MAS 95), de Ciano (MAS 94) et de d'Annuzio (MAS 96) pénètrent dans la rade, lancent les torpilles qui ne fonctionnent pas, repérés ils doivent se replier précipitamment. Dans un geste de défi, l'ennemissime Gabriele d'Annuzio lance 3 bouteilles à la mer décorées de rubans tricolores avec un message pour les Autrichiens qui avaient mis sa tête à prix. Reprenant l'acronyme MAS, le poète en fait sa devise : Memento Audere Semper, souviens-toi toujours d'oser.
Face à l'audace de ces attaques, les Autrichiens réagissent en renforçant les défenses portuaires. Deux officiers de la marine italienne, le capitaine du génie naval Raffaele Rossetti et le lieutenant-médecin Raffaele Paolucci, projettent la création d'une torpille humaine : la mignatta (sangsue). Ils sont les précurseurs des nageurs de combat. La torpille est longue de 8 m, chargée de 175 kg de tolite avec un système d’horlogerie .
Lors de la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1918, les deux équipiers embarquent sur une MAS avec la mignatta en remorque. Le port de Pola en vue, la torpille est mise en marche, Rossetti et Paolucci se laissant traîner dans l'eau accrochés à la mignatta, franchissent le barrage de protection et fixent l'engin explosif sous la coque du Viribus-Unitis, navire-amiral de la flotte KüK. Repérés, ils sont hissés à bord et longuement interrogés. Juste quelques instants avant l'explosion, ils annoncent au capitaine de vaisseau Vukovic l'imminence de la destruction du navire. Les hommes d'équipage sont évacués à temps quand retentit la déflagration envoyant le Viribus-Unitis par le fond rejoint peu après par le paquebot Wien.
Durant la Grande Guerre, une unité spéciale d'Arditi, les troupes de choc italiennes, est créée afin de mener des actions de sabotage ou de reconnaissance derrière les lignes ennemies. La rivière Piave étant la ligne de front depuis la défaite de Caporetto, il faut donc trouver des nageurs expérimentés, qui seront entraînés aux combats à main nue ou à l'arme blanche. Cette unité prend le nom de Caïmans du Piave. En maillot de bain, le corps enduit de graisse pour les protéger du froid, barbouillés de noir et armés d'un poignard, ils opèrent de nuit. Ils préfigurent les premiers nageurs de combat.